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Balades à Paris et en Touraine

« Les Amnésiques » de Géraldine Schwarz

26 Juillet 2020, 09:22am

Publié par Jean-Charles Prévost

« Les Amnésiques » de Géraldine Schwarz

« Les Amnésiques » de Géraldine Schwarz commence comme un roman : la saga familiale Schwarz à Mannheim dont Opa et Oma, les grands-parents paternels de l’auteur sont les premiers personnages. La photo de couverture les représente posant au cours d’une excursion en voiture dans les années 20, un de leurs rares instants de bonheur au cours d’un 20ème siècle traversé par deux terribles guerres mondiales.

Ce début semble étranger à la motivation essentielle du livre : au cours d’une interview réalisée par Mediapart, Géraldine Schwarz explique avoir voulu réagir en 2018 contre la montée des populismes en Europe (Orban en Hongrie, Salvini en Italie, Haider en Autriche, le Pen chez nous…) et dans le monde avec l’élection de Trump en rappelant le chemin parcouru en un siècle depuis 1918 à travers le cauchemar nazi puis la reconquête de son rang économique puis politique par une Allemagne enfin réunifiée et démocratique. Journaliste elle aurait pu nous livrer un essai politique, mais elle a choisi de faire appel à notre sensibilité pour transmettre son message en l’incarnant dans l’histoire d’une famille franco-allemande : la sienne.

Ce message c’est que nos choix politiques et notre aveuglement volontaire de comme Opa et Oma les Mitlaüfer du nazisme -littéralement : qui marche avec- nous rendent responsables et que depuis Nüremberg et le procès Eichmann, personne ne peut se dédouaner -« je ne savais pas » ou « j’ai obéi aux ordres »- d’avoir participé à des actes monstrueux et contraires à la loi naturelle (le respect de l’intégrité des êtres humains) en dépit de l’apparence de légalité que les régimes concernés veillent toujours à leur donner. Ceci s’applique évidemment au régime nazi en Allemagne mais aussi en Autriche et dans la plupart des pays d’Europe de l’est, fasciste en Italie et à l’état français de Pétain. Un long travail de mémoire a été nécessaire en Allemagne plus tard en France et à peine entamé ailleurs pour que la population en prenne conscience ; il ne faut pas permettre que ce travail soit remis en cause par des idéologies révisionnistes (c’est-à-dire qui nient des faits établis par l’histoire), identitaires (qui s’attachent à la protection d’une identité se percevant comme menacée en discriminant les citoyens d’autres appartenances ethniques, religieuses ou culturelles) et populistes (approche démagogique se réclamant du peuple contre les élites). De même le rappel de ce passé est essentiel pour déterminer nos choix politiques : multiculturalisme, accueil des migrants, tolérance religieuse…

Qui est Géraldine Schwarz ? Journaliste au Monde et sur Arte. Elle vit à Berlin et est née en 1970 d’une mère française, professeur d’anglais et d’un père allemand qui choisit après des études d’économie de s’établir en France et travaille pour une firme automobile allemande en banlieue ouest de Paris, mais aux vacances scolaires ils reviennent à Mannheim dans la famille allemande. Ils incarnent les générations franco-allemandes issues de la guerre qui ont rejeté les antagonismes du passé. C’est aussi une journaliste sérieuse et intègre à la documentation impeccable.

Ce livre, qui m’a été prêté par ma fille elle aussi journaliste, m’a replongé dans ma jeunesse étudiante ; comme le père de l’auteur j’ai fait partie de l’AIESEC et j’ai fait de nombreux séjours étudiants, stages et même mon service militaire en Allemagne où j’ai bien connu les clones d’Opa et Oma, mais surtout les générations suivantes et j’ai toujours été attaché à ce pays même si ma vie professionnelle m’a entraîné vers des horizons bien plus lointains (Tanzanie, Syrie, Indonésie)… Ce livre, est pour moi une source de réflexion par rapport à mes activités actuelles et bénévoles d’enseignement dans le domaine des relations multiculturelles et à l’actualité politique en général. Il est par ailleurs bien écrit et se lit comme un roman ; je ne saurais trop vous le recommander !

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